Tunisie

Confronté aux défis de la double transition démographique et épidémiologique et soumis à la politique de désengagement de l’État, le système de santé tunisien a souffert pendant des décennies d’une mauvaise gouvernance qui a aggravé les inégalités d’accès aux soins. Aujourd’hui, malgré les réformes entreprises suite à la révolution de 2011 et le développement accéléré du secteur privé, les attentes et les besoins des Tunisien·ne·s en matière d’accès à la santé ne sont pas satisfaits. La faible couverture géographique des services de santé de base pénalise fortement les habitant·e·s de certaines régions. Elle engendre des retards de soins préjudiciables, oblige au recours à des structures de soins privées aux tarifs élevés (et sans remboursement) et participe à l’encombrement des hôpitaux. Ces déséquilibres entre les régions littorales et l’intérieur du pays, ainsi que les disparités entre groupes sociaux rendent l’accès aux services de prévention et de soins des infections sexuellement transmissibles (IST) plus difficile aux personnes en situation de vulnérabilité. C’est notamment le cas pour les femmes et les populations à haut risque comme les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), les travailleur.se·s du sexe (TS) et les usager.ère·s de drogues injectables (UDI).

Un accès aux soins inégalitaire

En Tunisie, le VIH/sida est classé comme épidémie urbaine, affectant particulièrement les jeunes. Le Grand Tunis et les régions côtières totalisent 88% des cas*. La prise en charge des PVVIH se concentre donc dans cette région, où l’on ne dénombre néanmoins que quatre centres (Tunis, Sousse, Monastir, Sfax), laissant toute la partie Ouest du pays sans couverture. Les frais de transport élevés pour se rendre dans ces centres constituent un véritable frein à l’observance des patient·e·s. Par ailleurs, la majorité des services spécialisés offerts aux HSH, TS et UDI est fournie par des associations basées sur le Grand Tunis. Si le dépistage volontaire est actuellement proposé dans 25 centres de façon anonyme et gratuite, son impact reste quantitativement et qualitativement modéré, avec une moyenne de 1,18 tests/1000 habitants et une attractivité faible pour les populations clés, qui représentent moins de 10% des personnes dépistées**. 

 

*Source : Programme FORSS – MAHJOUBI Mohamed Bilel, Rapport d’état des lieux des services disponibles en matière de lutte contre le VIH/sida en Tunisie, Juin 2019

**Source : Ibid.

Stigmatisations, discriminations et violences contre les populations clés

Au quotidien, les populations clés font face à plusieurs obstacles socioculturels et juridiques tels que le rejet social, les expulsions du domicile familial, la stigmatisation et discrimination sur le lieu de travail ou de la part des professionnel·le·s de santé, la pénalisation, la privation des droits élémentaires. L’exemple le plus significatif est sûrement l’article 230 du Code pénal qui prévoit jusqu’à trois ans de prison pour « sodomie » entre adultes consentant·e·s. La version arabe de l’article, qui fait loi, vise l’« homosexualité féminine ou masculine ». Par ailleurs, l’interprétation large de l’article 226 bis – lequel condamne « quiconque porte publiquement atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique » – est également préjudiciable aux populations clés. La discrimination et les violences physiques et/ou sexuelles dont elles sont victimes sont aujourd’hui les freins les plus importants à la prévention et à l’accès aux soins. Couplés à des ruptures de stock de matériel de prévention et de médicaments, ces obstacles rendent les populations clés tunisiennes extrêmement vulnérables au VIH.

Chiffres clés

ONUSIDA 2021 – TUNISIE

51 %

des PVVIH connaissent leur statut sérologique

29 %

des PVVIH qui connaissent leur statut reçoivent un traitement antirétroviral

6.6 %

taux de prévalence au VIH chez les HSH

Les femmes doublement discriminées

Les femmes PVVIH et issues des populations clés sont doublement stigmatisées et exposées à de multiples violences (familiales, conjugales, etc) : une situation qui limite leur accès aux services publics de santé. Les adolescentes soumises à des législations et des politiques liées à l’âge (les mineures doivent être accompagnées par leur tuteur·rice pour le dépistage du VIH) sont également de plus en plus marginalisées. La vulnérabilité socioéconomique des femmes est aggravée par le caractère souvent informel de leur travail. Le fait de ne pas être rémunérées lorsqu’elles s’absentent et de ne souvent pas disposer d’assurance maladie constitue une barrière supplémentaire d’accès aux soins pour elles et leur famille.

La société civile à l’avant-garde

Face à cette situation, l’implication des organisations de la société civile a été très précoce et efficace. Les associations sont aujourd’hui des partenaires à part entière dans la riposte nationale contre le VIH/sida et bénéficient de l’appui financier du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour la mise en œuvre de programmes de dépistage auprès des populations clés et de prise en charge globale des PVVIH. Face à la demande accrue d’une prise en charge et d’une aide légale, venant notamment des TS, certaines associations comme l’ATL-MST Tunis, ATIOST ou encore l’ATP+ (partenaire du programme FORSS), jouent un rôle essentiel de prévention, d’accompagnement et d’orientation, notamment auprès des services hospitaliers.

RESSOURCES PAYS

Tunisie

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